mardi 28 juin 2011

L-F Céline, de la célébration à la discipline médiatique

Hier je me suis rendu à la FNAC. Braves gens ! Par goût ? Oh, par nécessité monsieur ; rien que de la nécessité. Il y a fort longtemps de cela, je m’étais offert un bouquin de Céline dans la bibliothèque de la Pléiade. Tu sais, ces bouquins qu’on ne prête pas, de peur que l’emprunteur ne te souille les fines pages de papier bible : Confiture, chocolat, foutre, crottes de nez et j’en passe ! J’oubliais les pages cornées au déchirées ! Non, un bouquin de la Pléiade ça se lit comme un curé son bréviaire et ça tombe bien, comme je te le disais plus haut, belle lectrice, c’est imprimé sur papier bible. Pour ceux qui débarqueraient de Pontoise, la papier bible est un papier fin – de faible grammage et assez souvent en couché mat, je dis ça pour les initiés, les autres peuvent sauter les tirets faute d’autre chose – justement utilisé pour imprimer les bibles, bréviaires, livres de messe et autant d’ouvrages qui finiront par le feu ou au pilon, lors de la proclamation de la République Islamique Française, d’ici peu.
Mais je m’égare, ô lectrice, et nous allons quitter les champs pour nous tordre à nouveau les pieds dans les ornières de notre sentier. La Fnac, oui, la Fnac. Céline à la Pléiade, c’est pour moi une vieille histoire : Je m’étais offert le Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit ; il y a un bout de temps et comme un bout ça ne va jamais seul -au bout d’un bout, t’as fatalement un autre bout- je ne sais plus exactement quand ; mais on s’en fout de l’exactitude : ce qui compte c’est l’histoire et le style. J’ai même l’album Céline. Je l’avais eu, à la sympathie, dans la librairie en face de mon lycée ; en 77. Normalement, fallait acheter deux ou trois bouquins de la collection pour avoir l’album Céline en cadeau, mais je connaissais la fille des libraires et ça avait aidé. C’est que j’avais du charme en ce temps là. Beau gosse il était le Figaro ! Et, je ne fais que rapporter les dires de ses copines qui aujourd’hui toujours, sur Copains d’avant, parlent de lui avec l’effusion des groupies de Rudolf Valentino !!! C’est donc ainsi : De temps en temps, je m’offre un Pléiade des mecs que j’aime bien. C’est mon cadeau. Donc hier, je vais à la FNAC pour repiquer au truc. Céline bis. Et alors là mon pote ! Ou ma copine, c’est comme tu veux. Le désert ; rien ; que dalle ; nib. Je fouinasse, je farfouillasse. Rien. Queud. J’inventorie les têtes de gondole ; rien non plus.

Ah, les reptiles ! Les laquais ; la bandes d’isopodes. Ca rampe, ça génuflexionne ; ça te respire l’air du temps et ça te le recrache avec suffisance et sûreté de soi. La fatoua lancée par Mitterrand –un peu mon neveu– est suivie à la lettre. Au pied de la lettre ; à la botte même. De Céline, point de nouvelles : T’as cinq bouquins de poche qui se font chier sur un rayonnage et c’est marre. Et Céline à la Pléiade : mon cul. On en a eu, on en n’a plus ; ne fournissons plus. Je me suis tiré du magasin sans demander mon reste : je te fais grâce des ouvrââââââges qui étalaient leur sales gueules de marchands du temple. Du gribouillis, du scribouillage ; des histoires à la con, de mecs à la con : zozo aime zezette et totor trompe mimi. Du roman photo sans les photos et puis le style ! Tu dirais des documentations pour lecteur de DVD. Enfin, ça rapporte du pognon et ça permet aux éditeurs d’imprimer les autres : Merci, merci mille fois Marc Lévy, Dan Brown et autres O.S du livre.

Intrigué par cette absence des rayonnages et des têtes de gondole je pris la résolution d’inventorier ce que la télévision -l’étrange lucarne du Père François- allait nous proposer. Eh bien là aussi on est aux ordres. Rien, rien mon pote, sauf sur la Chaine Histoire, Jeudi 30 Juin en soirée. La Mitte bis a craché son ukase, le lobby à réussi son coup à la Blûcher. Et pourtant ! C’est simple : Au XX ème siècle, tu as deux écrivains : Proust et Céline. Le débat n’est pas compliqué et il est vite tranché : Eh bien Céline n’existe pas ; voilà ; passé à la moulinette de la novlangue ; histoire ré-écrite ; individu, vie et œuvre effacés.
Bref, c’est le cinquantième anniversaire de la mort d’une des deux plumes du siècle, tant pour l’une des premières entreprises de distribution du livre que pour les médias télévisés, c'est non avenu. C’est l’année du rien, 2011 !


On pourra peut-être se consoler avec une célébration de Cary Cooper ; ou d’Ernest Hemingway ; ou de Dashiell Hammett. Peut-être va-t-on célébrer les cinquante ans de la disparition de Patrice Lumumba ou de Mohammed V ?

Enfin, t’inquiètes pas ; ce qui est dans les cartons ce sont les 50 ans de l’indépendance de l’Algérie : pas de la fin des évènements ; pas la fin de la guerre. Non ; de l’indépendance. Ca y est, c’est parti ! Docteur pied noir – Alexandre Arcady – s’est déjà collé sur le sujet : il présentera son film à Cannes. 2012 ; ça va être bien. Entre les présidentielles et les courbettes, que dis-je, les contorsions rampantes à destination de la Maghrebie, on aura de quoi se distraire.

Pas grave tout ça. La dernière fois où j’ai voulu m’offrir des bouquins – de poche en plus – de Bernanos, il a fallu que j’aille chez Virgin. Si ; Virgin. Virgin que je prenais pour une Succube de la consommation du livre et du disque. Le jour où je voudrais les Lettres de Céline à la Pleiade, je demanderai à la station Total de l’autoroute A 10. On sait jamais.

Ah ! Si les Klarsfeld n’existaient pas, où en serait on ?














mercredi 15 juin 2011

Louis-Ferdinand Céline, inspirateur du socialisme français ?

Les emmerdements, je le cherche ; je les débusque ; je les provoque. Tiens, pas plus tard que la semaine dernière, je traine dans une foire à la brocante, je feuillette des bouquins et...stupeur, je retourne un bouquin de Lucien Rebatet : Les Décombres ; paru en 1942. Tu imagines le topo lecteur subtil ? La mauvaise lecture ; l'auteur qui sent l'opprobre, la honte, la dégradation, le droit de vote enfermé pour l'éternité dans un bocal à cornichons.

Les Décombres ? je m'en souviens. Quand j'étais un écolier qui s'habillait d'un rien d'acné, ça s'étripait ferme chez Pivot, entre les tenants de la publication et les autres, les partisans d'une juste et éternelle mise à l'index. En 72 ou 73, je ne me souviens plus quel éditeur, amateur de sensations fortes et de bonnes ventes, avait relancé -après plus de 25 ans de silence- ce grand succès de librairie de l'occupation, Les décombres. Quand je dis "relancé", je pèse mes maux -et Dieu sait que j'en ai- car l'éditeur avait pratiqué avec l'accord de Rebatet, des coupes sévères, façon Kommando, dans le livre. Et avec prudence, afin que le lecteur ne s'enduise pas en erreur tout seul, pensant acheter un ouvrage sur les tremblements de terre, l'éditeur avait fait ajouter en sous-titre :"Mémoires d'un fasciste". Notes bien que c'était peut-être également pour protéger ses arrières car le premier éditeur du livre fut assassiné en 1945 par un groupe de justiciers anonymes ; c'était Robert Denoel.

Fasciste Rebatet ? A la vache ! Avec lui, c'est du lourd comme on dit dans ma banlieue (poil aux yeux). Ah le Rebatet ! On sent bien à la lecture de l'ouvrage que le mec n'est pas là pour cueillir des pommes ou humer le vent du large. Un style ? Oui, un style et c'est ça qui fait l'auteur le style ! Mais hélas un style régulièrement gâté par des égarements dans un antisémitisme pesant, une exécration de l'église, de la bourgeoisie, du peuple -il parle d'une façon désuete des femmes en cheveux, comme avant la guerre 14- de la société en général. Seul le fascisme orthodoxe d'Hitler trouve grâce à ses jugements. Maurras ? Un mou ! C'est dire ; seul Robert Brasillach (douze balles à la Libération ; un sacré diplôme !) à droit aux honneurs du livre. Mis à part ces réserves, le style est alerte, précis, vachard ; quant au fond, ce bouquin est un précieux témoignage car il s'agit d'une pertinente analyse à chaud de la défaite de la France : D'intérêssantes questions sont posées ; au lecteur, homme libre, d'écrire la suite dans sa tête et de contruire sa vérité.  Je vous prescrit avec ça une pommade pour les chagrins d'amour ainsi qu'une tisane pour le sommeil léger et un bouquin de Marc Bloch "Une étrange défaite" qui analyse le même sujet avec ses yeux d'universitaire et sa tête de radical-socialiste.

Alors une analyse les Décombres ? Oui et bien plus : Une grande fresque passionnée jusqu'à la folie ; comme un gâteau trop sucré qui finit par te porter au cœur tant la philippique que l’on croirait éteinte à tel chapitre ne cesse de renaitre comme le feu sous la cendre jusqu’à la fin du livre. En revanche, c’est aujourd’hui un précieux outil pour comprendre une partie de la société française d’alors.

Fier de mon achat (deux euros -je sais c’est pas juste-) je parcours le bouquin depuis quelques jours. Vas savoir pourquoi, l’idée d’aller à la pêche sur internet me vient : Je voulais lire comment on juge aujourd’hui le personnage et le bouquin. Eh bien Les Décombres sont en téléchargement ; si. Remarques si tu veux le commander à la FNAC, je te souhaite du plaisir. Piqué par la curiosité, je lance une recherche sur « Les beaux draps » de Céline. Pour ton instruction, au cas où tu aurais loupé la classe les jours de grand soleil, Les beaux draps est un ouvrage polémique mêlant fascisme, anarchisme et antisémitisme. Paru pendant l’Occupe, ce bouquin a la forte odeur des fagots et n’a jamais été édité depuis et ce, à la demande de Céline lui-même.
Eh bien crois-moi ou non, Les beaux draps peuvent se télécharger sur internet ; je me suis donc empressé de le faire car je n’ai jamais pu en lire une traitre ligne. Je me précipite comme un affamé sur le livre et tu sais sur quoi je tombe ? Sur ceci : « S’il m’est permis de risquer un mot d’expérience, sur le tas, et puis comme médecin, des années, un peu partout sous les latitudes, il me semble à tout bien peser que 35 heures c’est un maximum par bonhomme et par semaine au tarabustage des usines, sans tourner complètement bourrique ».

Je te laisse à tes réflexions ; je m’en vais y penser aussi. Bonne nuit les petits et n’oubliez pas : Trente cinq heures, c'est le docteur Destouches qui le dit.