jeudi 28 juillet 2011

La notion de service public

Vous allez me dire, cher lecteur, que je raconte ma vie. Mais c’est le sort de tout grifouillon qui place quelque chose sur une feuille de papier ! Alors, allons-y, racontons-là cette vie. Oh, ce ne sera pas bien intéressant, ça ne volera pas bien haut ; c’est que je ne suis pas allé au Brésil, ou même en Inde pour voir les fakirs s’assoir sur des marteaux et bouffer des clous. Non. Je ne vais même pas en Tunisie où pourtant c’est pas cher et têêêêêllement bien ; un bon accueil et tout ça ; et ils sont gentils et en plus, ah, oui, ils sont beaux les gens, oui ! Pas comme les… bon c’est entre nous, allez pas croire que…bien ; j’y vais : Eh bien, les antillais, là bas ; ah, cet accueil ! On t’envoie promener, dans le genre : « vot’ ve’ vou-vou le se’vé tout seul, je suis pas vot’ esclav’ ». ça, je ne connais pas. Les vacances en Tunisie, ou pire dans les D.O.M, non c’est pas pour moi ; et puis, je ne veux pas vous parler de vacances, mais de la vie, là, telle qu’elle est chaque matin quant on constate que ça recommence et chaque soir quand on se dit que c’est pas fini.

J’ai probablement dû vous déconner quelque chose au sujet de ma maison de loisirs, dans le grand Ouest français. J’ai un jardin à entretenir ; couper, tailler, tondre ; pas que ce soit grand, non, mais ça génère quand même son lot de contraintes et d’emmerdements. Justement au sujet des pelouses, des arbres et des arbustes qu’il faut toujours tondre et couper, j’avais eu la présence d’esprit, au moment d’acquérir le bien, d’acheter également la remorque du précédant propriétaire. Et pourquoi ? Parce qu’elle offre une belle contenance. Et ça va vite à remplir ; oh là ! Très vite. Une aller simple sur le tracteur à tondre et hop ! t’as déjà rempli le panier. Et comme le vendangeur, le panier tu le vide dans la remorque ; et puis tu recommences, huit fois, dix fois, douze fois. Pas un métier de fainéant, tu y penseras lorsque tu sigleras au noir ton jardinier clandestin. Donc cette remorque, elle a une plaque d’immatriculation ; comme ton auto. Détail me diras tu ? Ouais, sauf que si tu l’achètes cette remorque, il faut que tu l’immatricules, à ton nom, à ton domicile, auprès de ta préfecture ; tu commences à piger, tu es malin ; et c’est normal, sinon, tu ne serais pas ici.

Cette histoire d’immatriculation cela fait presque un an que ça dure ; pourquoi ? Pour une bonne raison, ça m’emmerde. Aussi, ce matin je me fais la totale : Récupération du non gage via internet, du fond de page en .pdf, remplisage du .pdf, du certificat de cession ; en prime je fouille dans les papier de la maison pour trouver une quittance de quelque chose émis par un fonctionnaire ou toute autre espèce protégée, je prend à tout hasard mon chéquier au cas ou leur lecteur de carte bleue aurait du mou dans la corde à nœuds et je consulte les horaires de la préfecture : quelle chance, c’est ouvert en non-stop, comme RTL ! J’y vais donc pendant l’heure du déjeuner. J’y arrive vers une heure et demi de l’après midi. Et là…

Et là, j’ai déjà le plaisir de rassurer dans l’ordre et dans le désordre, tu remets ça comme tu veux : Médiapart, La LICRA, le MRAP, les Verts, la rédaction de Libé, l'Université, le Monde, France Inter, SOS Racisme, le DAL et autres associations de pleureuses. L’émigration c’est un business qui tourne ; et bien même ! A fond ! La pompe à émigrés fonctionne impec ; bien huilée. Tous les joints sont nickels, pas de prise d’air sur un tuyau ; Non, ça pompe à fond. Et ça te renouvelle des cartes de séjour à tour de bras. Soyez rassuré, j’y étais. Il faudrait faire plus ? T’inquiètes pas, on s’y emploie. Et puis, y a les clandestins, t’oubliais les clandestins. Là, ils étaient bien. Se serrant les uns sur les autres, s’essayant à la discipline avec leurs fafiots en pogne. Ah oui, que des étrangers sur 256 niveaux de gris, voire même sur 16 millions de couleurs. Ah, ici, on s’emmerde pas. On chipote pas ; on n’est pas avare de moyens ni de mots. Comme Malraux : je t’en file pour ton argent et avec des adjectifs mon pote ! Comme s’il en pleuvait. J’arrive donc là, mes précieux documents dans la sacoche. Je débarque en plein tiers monde ; et puis du tiers monde dégrossi ; fatal, il est en France depuis un petit moment ce tiers monde là. Aussi, il a gardé ses tares d’origine et, comme il est consciencieux, et que la dame de l’état-civil lui a dit de s’intégrer, alors, il acquiert aussi les nôtres de tares. Donc ce genre d’étranger là, il resquille dans une apparence d’ordre, il attend en renâclant bruyamment, il apostrophe les vigiles, il faut semblant de pas comprendre puis il comprend quand ça va vraiment chier. Bref, c’est le peuple ; l’homme tel qu’en lui-même, sous toutes les latitudes, exhibant sa connerie comme un saint sacrement. Seulement, surprise ! La jolie sous-préfecture qui fait du RTL non stop eh bien elle écrase sa chique le midi. Elle fait sa pause. Et a l’accueil c’est vide. C’est laconique. T’as personne. Sauf un mot qui te dit que c’est fermé. Et j’ai idée que les étrangers qui sont là, à force d’avoir fait toutes les étapes du tour de la solidarité, ils ont acquis l’expérience du service public. Et tous ces mahométans, maghrébin, sahariens, sub-sahariens et tout ce que tu veux, ils savent. Ils ont appris. Ils ne savent pas lire mais « Ouvert » et « Fermé » ils reconnaissent les signes. Ce sont passé le mot. Tu passes, tu passes pas.

Bec enfariné, je tombe donc là-dessus. J’attends. Arrive un peu plus tard, l’hôtesse des lieux, la dame de l’accueil. Elle a le faciès lusitanien la dame de l’accueil ; l’accent aussi ; léger. Oh, non, j’ai rien à redire Monsieur Désir, monsieur l’agent, monsieur Plenel. J’ai tellement rien à dire que si cette dame est là, qu’elle marne dans un service public, fatalement elle est française, donc on appartient à la même collectivité de cœur et d’esprit ; sauf, sauf – et vous allez me trouver chipoteur- sauf si l’accueil est sous-traité à une société privée. Et dans tout les cas, c’est pertinent cette histoire de lusitanie ; Oui ; tu embauches des noirs et des arabes pour faire la surveillance des super-marchés contre la fauche afin qu’ils s’arrêtent entre eux et qu’on ne perde pas de temps avec « raciste, tu m’arrêtes parce que je suis noir et tout le toutim habituel ». Il y des portugais dans mon canton, donc la dame est porthos, c’set cartésien comme approche. Donc cette dame met tout de suite la foule au parfum, cette foule qui dégage déjà un tel fumet, stockée qu’elle est depuis 8 heures ce matin ! – Pour les permis et les cartes de séjour, ceux qui ont un rendez-vous à 14 heures donnez moi vos papiers ; les cartes grises c’est demain matin à partir de huit heures, vous prendrez un numéro et c’est les soixante quinze premiers…soixante quinze. Après, c’est fini.

First in, first out. Mieux que Sinatra. Cela veut dire que tu commences à te stocker dehors à partir de six heures du mat, t’attends jusqu’à huit heures et dès que ça ouvre, tu fonces pour choper ton ticket. J’ai idée qu’il doit y avoir du coup de coude, de l’invective, de l’oeil poché à huit heures. Surtout que pour leurs papelards de Chance-Pour-La-France, c’est pareil ; même partition. Ça ouvre à huit heures et first in, first out pour passer la première étape, le premier rendez-vous du cursus d’attribution des « papiers » devant le premier fonctionnaire. Pétain, toujours là ; l’Occupe pas morte. La France ? Le bled où tu fais la queue. Au suivant, au suivant ! La fluidité ? C’est pas de ce monde. Ah ils ont dû bien se faire chier pendant l’Occupe nos grands-parents : Faire la queue pour le pinard, pour la viande, pour le pain, pour le lait, pour les légumes, pour les cartes d’alimentation, pour la carte de charbon, la carte de chaussures, le permis de rouler à vélo, l’ausweis pour aller voir la tata Léonie… et, cerise confite au dessus du gâteau : Encore des étrangers ; de proximité certes, mais envahissants les boches ! En pays conquis ; remarques…

Je m’enquiers de la chose, je traîne, je regarde, je questionne un peu et là, LUMIERE. Fiat lux. J’étais allé faire immatriculer une de mes autos de collection il a un ou deux ans de cela. Et point question de numerus-closus ; pas de soixante quinze.

Eh bien oui, réfléchis lecteur passif. Les guichets étaient vides. Vides. Complètement vides. Juste deux gus. Pour tout assurer. Eh, oui, c’est les vacances ! Les vacances du fonctionnaire ! Et le fonctionnaire, pas con il est ! Sûrement pas. Il a des droits le fonctionnaire. D’ailleurs, tous les étrangers le savent : Tu y a doit ; j’y ai doit ; c’est mon droit ; jusqu’aux racailles qui ont le droit au respect et qui demandent aux flicards de leur dire leur droits quand ils se font serrer ; comme à la télé : « vous avez le droit de garder le silence et vous allez avoir un baveux qui va s’occuper de vous ». Il a donc droit à ses vacances le fonctionnaire. Donc, il les prend ses vacances. En Juillet. Pas con. Comme il ne se passe rien ; et quand il revient début Août, il peut tout peinard, buller jusqu’au vingt, disons vingt-cinq Août. Correct.

Te dire ce que j’en pense ? Non. Pas la peine, ça risquerait, si cela n’était pas déjà fait, de signaler cette page aux flics-cyber-pisteurs qui épient les blogs. Déjà avec « SOS racisme », « étrangers », « immigrés », « chance pour la France », « LICRA » et autres occurrences, ce blog si tant chic et de tellement belle tenue risque de tomber sur la vigilance d’un poulardin de la pensée en boite…alors si je me mets sur le dos des fonctionnaires…là c’est fichu ! Je mobilise un archer du roy rien que pour moi, pour surveiller mes déconnades ; et à plein temps encore ! Pendant un an à pister le flagrant délit ! L’incitation à ceci ou cela ; ça va vite ; oh, oui. Surtout avec le dingue de Norvège qui a flingué dans tous les sens ; ça il y en a eu du balayage de blogs ce week-end et cette semaine. On ne saurait trop leur en vouloir aux flics, ce d’autant que les dingues de ce calibre, ça tient toujours un journal, donc aujourd’hui un blog.

Et c’est vrai que certaines situations dans la vie te donneraient envie de tirer dans le tas. Mais voilà, on a un Surmoi bien gros, bien propre, on a un Ça et un Moi bien rangés, bien proprets. Oh, il y a bien du bordel dedans si tu ouvres les boîtes ; mais non, tu es socialisé, auto-contenu, tu ne passes jamais à l’acte. Jamais. Juste une claque au gosse de temps en temps – et que tu regrette – un coup de pied au cul du chien, un doigt à l’automobiliste et ça s’arrête là. Quoique pour les fonctionnaires…

Eh vas-y, toi aussi m’sieur l’agent, toi qui surveille le blog, j’t’embrasse, j’espère que t’as rigolé en le lisant. Ah c’est vrai, t’es fonctionnaire, j’avais oublié. Bon, ben bonnes vacances les filles !

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