lundi 6 septembre 2010

La nostalgie camarade

Au détour d’une conversation téléphonique avec mon ami Jojo, j’appris qu’après avoir vendu sa voiture, il nourrissait le projet d’acquérir une Audi TT. Surpris par ce projet, je laissai mon ami m’expliquer ce caprice qui prenait l’allure d’une révolution puisque mon ami Jojo était jusqu’alors le défenseur acharné des breaks, des 4x4 (codac) et autres familiales cossues. Passablement irrité, mon ami m’expliqua que sa fille ainée bien que vivant au foyer saisissait toute occasion pour vivre le plus éloignée de ses parents tandis que leur plus jeune fils leur avait confié que cela n’avait aucun intérêt de sortir avec eux. Par le fait même il voyait mal en quoi une berline familiale pouvait se justifier.

C’était le jour de la rentrée ; un peu crispé Jojo était à ce moment là en quête d’une nouvelle inscription en BTS pour sa fille, qui, la veille de la rentrée s’était souvenu que l’école qui allait l’accueillir le lendemain ne lui plaisait pas. Jojo m’expliqua également que sa femme lui pesait un peu car elle manifestait quelque exaspération à l’idée de l’arrivée probable de ce petit roadster : Son activité de représentante chez Tupperware lui faisait préférer un break. Jojo avait eu déjà l'occasion d'être exaspéré lorsque sa femme lui apprit qu'elle était enceinte de leur second fils après cinq mois de grossesse et d'étonnement menstruel, toute surprise qu'on pût tomber enceinte en prenant la pilule (voir infra). Une chance pour Jojo qui trouva là prétexte pour en reprendre pour vingt ans avec son épouse.

Bien que gagnant convenablement sa vie, Jojo m’expliqua également que cette intense activité de revente de véhicule était liée à un nouveau changement de statut des autos de sociétés dans son entreprise. Travaillant sur une zone délimitée par Lyon, Grenoble, Nice et Marseille Jojo avait eu le plaisir de s’entendre dire que la cylindrée de son diesel était trop importante (une 406 break) au regard des engagements de son entreprise envers les lois sur l’écologie et qu’au surplus chez Zobilamouche S.A, « on aime pas les gros rouleurs». Pour la peine Jojo utilise à fond les TER mais finit désormais ses journées à 17 heures (train et correspondances obligent) et roule -modérément- avec une auto qui passe entre les gouttes de l'écolocratie.

Heureux mari, père comblé, cadre reconnu, Jojo me confia qu’il avait 50 ans sonnées et qu’il convenait qu’il se fit un peu plaisir avant que les douleurs ne lui interdisent les contorsions nécessaires pour se glisser dans un roadster.



Peu de temps avant mon ami Pierre m’avoua que son fils de 22 ans le battait froid. Comme j'étais surpris par cette glaciation de leur rapports, Pierre m’expliqua que son fils lui avait, au cours d’une dispute, confié son agacement d’avoir un père radin. Mon ami Pierre, dépité, me rappela son achat récent d’une 207 neuve pour son charmant bambin. Doué pour les maths, Pierre fit pour moi la rapide addition des loyers du studio d‘étudiant qu’il avait fourni à son fils pendant trois ans afin de lui éviter de parcourir les 52 kilomètres qui le séparaient de son université. Pierre, qui trompe sa femme comme un éléphant d’Afrique, me rappelait qu’il l'avait épousée parce qu’elle était tombée enceinte tout en prenant la pilule (bis repetita placent) et qu’il était resté fidèle au foyer uniquement pour « élever son fils ». Nous évoquâmes notre jeunesse et même notre enfance en sixième… Nous pensions à l’an 2000 tel qu’on l’imaginait avec des bagnoles volantes, des riches partout, des repas pris en deux pilules, plus de pauvreté et nous, heureux comme des rois avec des femmes intéressantes, des mômes épanouis et des lendemains qui chantent. Comme pour conclure notre conversation, « Mistral gagnant » passait à la radio. J’ai ressenti comme un coup de froid : ce devait être la Bise gagnante ! Pierre se souvint également qu’il avait  quitté une femme dont il était très épris pour privilégier sa famille et sûrement les conventions ; il me dit également qu’il s’était laissé allé à des jobs faciles qui ne lui mobilisaient pas plus de quatre neurones et lui avaient rempli le compte en banque.



Je me dis que Jojo, Pierre et moi nous n’avions pas vraiment rêvé de belles vies comme celles-ci ; vies que nous n’avons ni vraiment ratées ni vraiment réussies : Même là nous avons fait les choses à moitié ! Avec Jojo et Pierre nous évoquons les Dinky toys, la télé de Sabbagh en 819 lignes noir et blanc, avec Zorro le jeudi ; les 2 cv sur le bord des trottoirs, la Juvaquatre de l’épicier, les vacances à la mer, les promenades au jardin public avec notre mère à la main, l’encre violette, les 45 tours de Claude François, la première
mobylette, le passage en sixième, l’odeur de gauloise du père et ses matches de rugby à la télé ; Le boucher avec son tablier blanc, le marchand de couleurs en blouse grise, un engin blindé à Colombey avec un drapeau dessus, la cour de récré (une délo, une délo) les cadeaux Bonux et maman qui étend le linge avec des épingles en bois. Et puis voilà ; quarante ou quarante cinq ans ont passé. Il est minuit ; j’embrasse fraternellement Pierre et Jojo(1).




(1) Pure fiction, cet article est le simple brouillon d'une nouvelle qui enrichira sûrement un jour les rayons de la nrf. Pierre et Jojo sont des personnages inventés ; toute ressemblance avec des personnages vivants ou ayant vécu serait absolument fortuite.


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